Le jeu d'abbia, son déroulement, sa finalité
Le jeu d'abbia était très populaire dans la forêt tropical camerounaise.Ce n'était pas un jeu d'adresse, mais entièrement un jeu de hasard, un peu comme lancer des dés.
Les jetons de ce jeu sont gravés sur une des parties du noyau du fruit toxique de l'arbre Elma , une saponacée, qui ouvert en deux, sera poli et patiné.
L'abbia est un jeu de hasard où sont misés des biens qui peuvent aller de la simple calebasse de vin de palme à un être humain (femme ou enfant), en passant par le cheptel, les plantations du joueur, etc.
Pour illustrer cet exemple, voici le témoignage de 1967 par Agnès ( 75 ans ) vivant à Andok, Hameau de Minlaaba qui nous dit : "
Je n'ai pas grandi dans la famille de mon mari définitif. Je suis allée chez lui seulement au moment de notre mariage. En effet, j'étais passée entre plusieurs mains à cause du jeu d'abbia! Quand on «meurt» à l'abbia, c'est-à-dire quand on perd,on doit donner quelque chose. On peut donner jusqu'à sa fille et c'est ainsi que mon père m'a donnée en mariage à un Fong de Ngoulemakong.Et à son tour, celui-là m'a fait passer de mains en mains. Finalement,mon père m'a rachetée, et c'est à lui que mon mari actuel a versé la dot. J'étais deuxième femme. Mon mari a donné pour m'avoir une chèvre, un fusil avec de la poudre "
Plus les joueurs sont riches, plus les mises sont importantes. En cas de fortes mises, on a recours à un arbitre, réputé pour sa connaissance des règles du jeu et de la tradition et pour son impartialité. Il coordonne le bon déroulement du jeu, intervient en cas de fraude ou de litige et est rémunéré à l’issue de la partie.
Le jeu peut se dérouler dans des endroits publics (place du village, cour d’une case), ou à l’abri des regards, à l’écart du village ou à l’intérieur d’une case privée.
Les joueurs, au nombre de 2, 4, 6 ou 8, voire davantage, sont disposés en demi-cercle, en cercle ou en carré. Seules des raisons pratiques peuvent limiter leur nombre. On peut aussi former des groupes de deux ou de quatre et jouer contre des adversaires de même nombre.
Les formes gravées sur les jetons sont des représentations identifiables d’êtres anthropomorphes, zoomorphes, d’éléments de la nature, de structures et d’objets réels ou imaginaires. Les formes sont identifiables, cependant une interprétation directe des sujets ou objets représentés ici reste à déconseiller, car ces derniers sont fortement symboliques et allégoriques. Sur les abbia, on reconnaît des pictogrammes anthropomorphes, zoomorphes, végétaux et des objets.
Sur la face lisse du noyau, l'artiste grave finement les divers sujets de sa représentation qui lorsqu'elles sont zoomorphes, illustrent souvent des animaux en mouvement, traqués, blessés ou pris dans un piège ).
Les représentations anthropomorphes illustrent le plus souvent des figures humaines isolées, dansantes, des scènes érotiques ou de rituels)
l'artiste peut également représenter des objets convoités comme des armes, vêtements, objets usuels comme des couteaux, des armes ...
Source et lien pour approfondir ses connaissances et lire le travail remarquable de Cyrille Bela : https://doi.org/10.4000/aaa.1373